NOTES
Cette phrase résume les deux paragraphes qui suivent de la Notice d'A. Pierron (ouvrage cité, p. XI-XII) qui examinent les raisons du départ d'Eschyle pour la Sicile. Hugo conclut par une condamnation à l'exil; il est le seul à le faire. Il invente aussi le motif de la condamnation évoquée par Elien.
« Un tout autre motif, s'il faut s'en rapporter à Suidas [auteur présumé de la Souda], avait causé le départ d'Eschyle. Il avait fui d'Athènes parce que, dans la représentation d'une de ses pièces, l'amphithéâtre s'était écroulé. C'est ainsi qu'il faut entendre les paroles du lexicographe, nonobstant l'interprétation de Stanley, lequel veut qu'elles expriment une défaite dramatique, la défaite d'Eschyle par Sophocle. Le savant Auguste Boeckh a montré, par Suidas lui-même, qu'il s'agit de bancs brisés, et que l'expression doit s'entendre au propre, comme dans le passage relatif à Pratinas, où Suidas la répète, et, cette fois, avec un commentaire qui ne laisse plus aucune place au doute. Le poète dramatique, à Athènes, était aussi le directeur de la représentation; il ordonnait tout aux frais du chorège; il jouait lui-même quelquefois un rôle dans ses pièces. Responsable des plaisirs du public, il n'y aurait rien d'étonnant à ce qu'on eût mis Eschyle en cause, si le fait dont parle Suidas n'est pas controuvé: Athènes a vu bien d'autres procès, et de bien plus iniques. Il aurait fui, soit pour obéir à la condamnation, soit pour s'y soustraire. Mais l'autorité de Suidas, compilateur sans critique, ne suffît pas, à elle seule, pour bien constater l'authenticité d'un fait.
Il y a une dernière tradition qui n'est pas non plus sans vraisemblance. Eschyle, d'après Élien, aurait été accusé d'impiété. L'helléniste anglais Musgrave pense que cette accusation fut portée à l'occasion des Euménides. On cherche en vain, dans cette tragédie si profondément religieuse, les traces de l'hétérodoxie qu'y a vue Musgrave. Sophocle eut dû encourir les mêmes accusations pour l'OEdipe à Colone; et pourtant le peuple athénien a applaudi, chez Sophocle, ces impiétés prétendues, qu'il aurait, dit-on, condamnées dans Eschyle. Ajoutez que, de toutes les tragédies d'Eschyle, la plus athénienne, si j'ose ainsi parler, ce sont Les Euménides: elles le sont plus que Les Perses même. Dans Les Perses, le poète loue ses concitoyens surtout de leur bravoure: c'est leur humanité, leur piété, leur justice, ce sont leurs institutions, qu'il vante dans Les Euménides. Si Eschyle a jamais été accusé d'impiété, c'est une autre pièce, c'est toute autre cause qui a dû servir de prétexte à l'accusation. »